12 mai 2020

Elle est née pour séduire, pour capter les regards qui se posent sur elle, grâce auxquels elle se pâme sans s’épanouir, ceux qui la saluent, ceux qui passent, puis s’attardent, et finissent par s’arrêter, ceux qui tentent de deviner l’intérieur à travers ce qu’elle veut bien en laisser paraître, ceux qui la jugent, la jaugent, la jalousent, la convoitent, ceux qu’elle fait rêver ; elle mène avec tous ceux qui s’y risquent une conversation silencieuse, les mots ne sont pas nécessaires pour qu’elle raconte son histoire, l’histoire de celle qui a décidé de sortir pour se montrer, qui cache sans se cacher, plie sans ployer, dévoile sans montrer, qui sait qu’elle n’a pas le temps, elle est née hier, et demain déjà, elle sera vieille, alors elle veut profiter, de sa liberté, de sa vie, de son règne éphémère sur les regards et sur les cœurs : belle, sombre, droite, altière, avec ce petit grain de folie, d’inachevé, quelque chose d’étrange, d’original, de gai, qui la rend différente, triomphante, et voluptueuse, qui palpite, lorsqu’une main se tend, un sourire se dessine, un geste comme une esquisse, un signe pour elle, qui la fait naître, avant de mourir bientôt aux pieds d’un corps dévêtu et de retrouver son origine, de bout de tissu, de chiffon, de fil : la robe.