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5 mai 2014
Ce qu’est le cœur de Simon Limbres, ce
cœur humain, depuis que sa cadence s’est accélérée à l’instant de
la naissance quand d’autres cœurs au-dehors accéléraient de même,
saluant l’événement, ce qu’est ce cœur, ce qui l’a fait bondir, vomir,
grossir, valser léger comme une plume ou peser comme une pierre, ce qui
l’a étourdi, ce qui l’a fait fondre – l’amour ; ce qu’est le cœur de
Simon Limbres, ce qu’il a filtré, enregistré, archivé, boîte noire d’un
corps de vingt ans, personne ne le sait au juste, seule une image
en mouvement créée par ultrason pourrait en renvoyer l’écho, en faire
voir la joie qui dilate et la tristesse qui resserre, seul le tracé
papier d’un électrocardiogramme déroulé depuis le commencement pourrait
en signer la forme, en décrire la dépense et l’effort, l’émotion qui
précipite, l’énergie prodiguée pour se comprimer près de cent mille fois
par jour et faire circuler chaque minute jusqu’à cinq litres de sang,
oui, seule cette ligne-là pourrait en donner un récit, en profiler la
vie, vie de flux et de reflux, vie de vannes et de clapets, vie de
pulsations, quand le cœur de Simon Limbres, ce cœur humain, lui, échappe
aux machines, nul ne saurait prétendre le connaître, et cette nuit-là,
nuit sans étoiles, alors qu’il gelait à pierre fendre sur l’estuaire et
le pays de Caux, alors qu’une houle sans reflets roulait le long des
falaises, alors que le plateau continental reculait, dévoilant ses
rayures géologiques, il faisait entendre le rythme régulier d’un organe
qui se repose, d’un muscle qui lentement se recharge – un pouls
probablement inférieur à cinquante battements par minute –
quand l’alarme d’un portable s’est déclenchée au pied d’un lit étroit,
l’écho d’un sonar inscrivant en bâtonnets luminescents sur l’écran
tactile les chiffres 05:50, et quand soudain tout s’est emballé.
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