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18 mai 2008

Ils étaient parés de robes incolores, de calottes de diable à cornes molles, de masques sans relief et sans trait, de capes informes qui n'étaient que le crissement virevoltant de leurs plis, de loups non échancrés, de diadèmes de lave et de collerettes de glace, d'inutiles azurs brodés, de pyjamas de soie rouge trompette et bleu violon, d'autres bleus mous et de verts irritants, de bruns indistincts, de brassards et de couronnes de grelots, ils ne représentaient pas des hommes mais des rayons de lune, des rivières, des arbres de foudre, des éruptions, des ténèbres phosphorescentes les encerclaient en crépitant de doigt en doigt comme des feux magiques, sans danger pour se tourner la tête ils se rincèrent les yeux à l'alcool pur, ils se mirent des valses, ils soufflèrent dans des cornets, ils burent du feu dans des œillères, ils échangèrent chaussons contre tricornes, ils ajoutèrent des cascades de rubans sur leurs perruques, leurs mains étaient gantées de feuilles et leurs mollets de feu gainés, ils coururent d'un bout à l'autre des couloirs et sautèrent les obstacles, ils s'étaient déguisés en colonnes et en traineaux, en Niagaras et en Monts-Blancs, ils dévorèrent des pièces montées et en croquèrent mariés et communiants, tout ruisselants d'odeurs qui n'étaient pas les leurs - hommes contre femmes, animaux contre cadavres - ils se poursuivirent dans les jardins, ils se lancèrent dans les pattes des rats mécaniques, les incendiaires luttèrent avec les prestidigitateurs, ils chutèrent délicieusement.