En surface il neige âprement mais sous sa ligne de flottaison la ville est musicale par la grâce de l'égout qui donne dans tout le quartier une fabuleuse soirée d'opéra, ni condiment, ni sirop mais le flot précipité d'une œuvre de Janacek, à écouter avec les os, venue des murs du théâtre et des fibres vivantes des planchers, galopant dans les cloisons, émouvant les briques, tremblant d'un vibrato issu du grain des pierres, qui fait jodler les ferrures des balcons, et c'est à croire que les tuyauteries véhiculent les vibrations de cet opéra depuis la fosse d'orchestre presque sans déperdition et avec plus de fébrilité encore celle des cuivres, c'est-à-dire la famille atomique à laquelle elles appartiennent, mais aussi celle des vents et des cordes à cause de leur accointance avec les tourbillons de l'air pris sous les maisons, avec ses courants, ses miasmes, ses poches de chaleur, car même de l'autre côté de la place, à portée d'ondes souterraines, soumis lui aussi au caprice de la diva, un médecin empoté au costume mité, rôle muet, se tient au chevet d'une femme en couches, qui pousse de petits halètements et gémissements, moins en gésines qu'à l'agonie, le thorax de l'appartement minuscule offrant chambre de résonance et cela jusqu'à la fin du spectacle quand explosent, dans un effort extrême, à la fois le hurlement de la diva accueillant sa mort d'opérette, le dernier souffle de la parturiente, impossible à montrer, impossible à rejouer, qu'il serait d'ailleurs obscène de donner à entendre n'importe où, et par-dessus tout le cri de naissance de l'enfant qui vient au monde pour ainsi dire au premier rang, dans la sphère d'influence de Leos Janacek qui s'est levé pour applaudir.
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15 déc. 2012
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